Édouard Kodjo, je me permets de te tutoyer, parce que tu es comme mon frère aîné, ou mon père ! Ton épouse et mon épouse se connaissaient bien et se fréquentaient comme des sœurs !
Tu étais aussi mon patient si tu tombes malade, et j’étais un militant de première heure de l’UTD ! …
Quand les militaires vous avaient séquestré, avec les autres Hauts Conseillers de la République, j’ai fait des pieds et des mains, pour vous libérer, grâce à mes relations privilégiées avec l’ambassadeur des États-Unis au Togo d’alors, Son Excellence Kirby ! Nous avions demandé à Eyadema de vous apporter à manger, parce que depuis plus de 32 h, personne n’avait mangé parmi vous ! Il a donné son OK , et c’est ainsi que votre épouse, Mme Agboyibo, et trois religieuses ont apporté des repas en grande quantité à l’ambassade américaine , pour que le service de l’ambassade , l’ambassadeur Kirby et moi-même apportions les repas au Palais des Congrès où étaient séquestrés les Hauts Conseillers de la République , les militaires séquestreurs ayant refusé tout contact des familles avec les séquestrés !
Nous avions fait un chantage qui a bien fonctionné sur Eyadema ! Nous avions dit au Général Eyadema que plusieurs Hauts Conseillers étaient diabétiques, et que s’ils ne mangeaient pas, plusieurs allaient mourir ! … Et Son Excellence Kirby a haussé le ton, en criant presque au téléphone, à Eyadema, que s’il y a un seul mort parmi les Hauts Conseillers, cela aurait de sérieuses conséquences internationales !… Et ça a marché !
Nous avons fini de charger les nourritures et les boissons dans une voiture de l’ambassade américaine, quand Eyadema appela l’ambassadeur, pour lui annoncer que le siège sera levé dans les minutes qui suivent par les « militaires incontrôlés » selon ses termes …. Ce qui fut fait !…
Les épouses et les religieuses rentrèrent à leur domicile …
Grand frère, c’est alors que je vous avais suggéré, sur l’esplanade du Palais des Congrès, de ne pas rentrer à la maison, mais de venir avec moi, sous la protection de mes 4 gardes-de-corps , d’abord à la Clinique du Dr ATAYI , sise derrière l’hôtel Sarakawa , puis, dans ma planque-maquis, à Ablogamé, tout près de la clinique ! Mon épouse fut informée du plan par notre canal habituel de communication secrète et votre épouse fut mise au courant ! …
Après vous avoir soigné avec Dr Atayi et moi-même (M. Edem Kodjo avait été violemment battu au dos, avec Zarifou Ayeva, dans l’enceinte du Palais des Congrès, et lui-même l’a bien révélé lors de son audition par la CVJR de Mgr Barrigah !) …
Grand frère, nous avion rejoint mon maquis d’Ablogamé et tu te rappelles sûrement du poulet braisé que l’un de mes garde-de-corps, OHIAMI, nous avait concocté, avec de la pomme de terre frite !
Nous avons régalé et tu étais émerveillé !…
Grand frère, tu te rappelles que je t’avais bien grondé, fraternellement, quand, à trois jours de la présidentielle de 1993, tu avais jeté l’éponge, alors que tous les sondages y compris ceux des occidentaux et des ambassades à Lomé! ) te donnaient gagnant, avec au moins 60 % des suffrages, devant Eyadema ? Mais le comportement irrationnel des autres leaders de l’opposition qui vous ont lâché était criminel, comme je vous l’avais dit !…
Cher grand frère, puis vint les législatives de 1994 ! Me Agboyibo (36 élus) et toi (7 élus), aviez la majorité absolue et il fallait gouverner ensemble, en cohabitation avec le Président Eyadema, comme le stipule notre Constitution du 14 octobre 1992 !
Mais Eyaderma vous a roulé dans la farine, et en te nommant Premier Ministre, il savait que Me Agboyibo n’allait jamais accepter et que l’opposition allait exploser, ce qui arriva !…
Te souviens que tu m’avais envoyé un émissaire à Cotonou, où je m’étais replié, pour me supplier de revenir à Lomé, pour prendre encore le Ministère de la Santé dans ton gouvernement ? Et je t’avais répondu fermement NON, que ton gouvernement n’allait pas faire long feu ? Et j’avais raison !….
Et quand je suis parti en exil en Hollande, en juillet 1997, tu étais effondré ! Et tu m’as fait parvenir, par un émissaire, deux (2) millions de francs CFA convertis en florins (monnaie hollandaise de l’époque) ! Sacré grand frère, ta bonté n’a pas de limite ! Tu étais en contact permanent avec moi pendant tout mon séjour en Hollande !!!! Merci grand frère !
Quand je suis rentré en Avril 2007, j’étais venu te remercier chaleureusement à la maison et t’ai annoncé que la CDPA m’a copté pour être son candidat aux législatives de cette année-là ! Et je t’ai expliqué les raisons ! Tu as ri et tu m’as dit que ce n’était pas grave parce que, de toutes les façons, ni la CDPA ni l’UTD (ou CPP) n’allaient avoir aucun élu… Et c’est ce qui était arrivé ! Sacré grand frère !
Grand frère, je t’avais donné trois exemplaires de mon livret sur le Diabète, quand j’étais venu te voir pour la dernière fois et tu m’avais expliqué ta maladie et ton combat héroïque contre la maladie ! Sacré grand frère, tu es un homme et un politicien exceptionnel, et malheureusement, le Togo n’en n’a pas beaucoup comme toi ! Tu as été toujours incompris, parce que tu es au-dessus du lot, et tu as bien rempli ta mission sur terre ! … Tu t’en vas la tête haute et ta femme et tes enfants, ma femme, mes enfants et moi sommes fiers de toi ! Dommage que François Emmanuel, mon fils aîné, n’a pas pu venir te présenter les jumeaux, qu’il vient d’avoir avec sa femme hollandaise, mais je t’avais envoyé les photos de son mariage, avec sa femme hollandaise, et celle des deux gosses +!!!
Grand frère, tu as mené le vrai et bon combat, repose en paix, tu mérites de te reposer au Panthéon de la République Togolaise ! …
Ton petit frère, qui te dis au-revoir … et à bientôt ! Je te raconterai la suite de l’histoire togolaise, quand je tirerai aussi ma révérence !
Par Dr David IHOU