Des hommes de foi en première ligne pour la protection des filles

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(TOGODAILYNEWS) – Au Togo, la lutte contre le mariage des enfants s’est muée en mouvement transversal, où la foi et la justice se rencontrent pour protéger l’enfance.

Portée par le programme Foi et Justice de Genre de Faith to Action Network, la campagne interreligieuse Protéger l’enfance, un devoir sacré, est une initiative qui réunit pasteurs, imams et prêtres traditionnels autour d’un but commun : faire que chaque fille puisse grandir librement, aller à l’école et choisir son destin.

Dans de nombreuses sociétés riveraines, le mariage des enfants demeure une réalité tenace, alimentée par des normes culturelles, des pressions économiques et des interprétations religieuses mal comprises. La campagne lancée depuis le 15 Aout 2025 cherche à rééduquer les consciences et à transformer les lieux sacrés en espaces de protection. Pour les acteurs de foi engages dans la campagne, protéger l’enfance n’exclut pas la tradition, mais lui donne un sens renouvelé : élever plutôt que soumettre, éduquer plutôt que troquer

Les hommes comme acteurs de changement

L’approche prônée par la campagne de F2AN vise à arracher la pratique du mariage des enfants à son socle religieux et culturel en réinterprétant les textes afin d’exalter la dignité féminine. L’Imam Agodomou rappelle que les voix des croyants, quelle que soit leur confession, doivent s’ajuster : “Les croyants, hommes et femmes, sont alliés les uns des autres ; ils commandent le bien et interdisent le mal.” Autrement dit, l’engagement masculin n’est pas un simple soutien, mais une transformation du leadership durable : un leadership fondé sur le service, l’écoute et la protection des plus vulnérables. Les hommes pères et responsables communautaires témoignent avoir réorienté leurs priorités : privilégier l’éducation de leurs filles, accompagner les familles vers des alternatives à l’union précoce et devenir parrains de projets scolaires locaux.

La paternité réenchantée par l’éducation

Donner sa fille à un mariage avant la maturité est une rupture avec la vocation biblique et coranique de la paternité : être gardien, enseignant et protecteur. Dans ce cadre, des sessions de formation pour garçons et jeunes hommes insistent sur l’importance des valeurs de respect et d’égalité. Le Pasteur LAWSON- KPAVUVU Godson, président de l’Eglise Méthodiste du Togo rappelle que Dieu a confié à l’homme la charge d’“éduquer et protéger, non d’exploiter”; les gestes éducatifs deviennent alors des actes d’amour et de justice, et les garçons y apprennent à devenir des partenaires dans la construction d’un futur sans violence. Dans les témoignages recueillis, des pères expliquent avoir renoncé à des pratiques anciennes après avoir entendu des récits de filles qui retrouvent leur voix et leur avenir grâce à l’éducation.

Des actions concrètes qui changent la vie

Au-delà des sermons, l’engagement des hommes de foi doit se matérialiser par des actes quotidiens et des partenariats endogènes. Des comités de veille, des programmes de parrainage scolaire et des ateliers communautaires se déploient pour prévenir les mariages précoces et faciliter le retour à l’école lorsque la scolarité est interrompue. Le recours à des canaux de signalement, à des centres d’assistance et à des dispositifs juridiques est facilité par ces leaders, qui jouent le rôle de médiateurs et de coordinateurs entre les familles, les écoles et les services publics. Le message est clair : la foi peut être une main tendue, un pont entre les lois et les vies, un levier pour transformer des coutumes qui blessent.

Masculinité positive, la voie de la justice divine

Le chemin vers une masculinité alignée sur la justice de Dieu est long et complexe. Certains détracteurs craignent une perte de “maître” sur des questions de famille ou une remise en cause des normes. Toutefois, les récits des communautés montrent qu’un leadership masculin enraciné dans l’empathie et le respect peut non seulement prévenir des mariages précoces mais aussi favoriser l’émergence d’écoles mieux financées, d’options professionnelles pour les jeunes filles et d’un climat communautaire plus équitable. Le test ultime reste l’application durable des engagements : combien de garçons et d’hommes adhèrent-ils à ces principes lorsque les regards ne sont plus tournés vers eux ? Comment les lieux de culte, les écoles et les organisations de la société civile peuvent-ils continuer à coopérer pour soutenir les filles ? L’espoir réside dans la continuité, la formation et la transmission des valeurs qui font naître une culture où la dignité humaine n’est pas négociable.

La lutte contre le mariage des enfants n’est pas qu’une affaire féminine ; elle est une exigence morale et spirituelle qui appelle chacun, surtout les hommes de foi, à devenir gardiens, éducateurs et agents de justice. En réinventant la masculinité à partir des textes sacrés, la communauté togolaise peut écrire une nouvelle page : celle d’un avenir où la foi se conjugue avec la protection des filles et où l’amour du prochain s’incarne dans l’action. C’est dans cette alliance entre foi et justice que se dessine, peu à peu, une société où les enfants et surtout les filles grandissent sans peur, apprennent en paix et choisissent librement leur chemin.

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Bernard AFAWOUBO

Bernard AFAWOUBO, Directeur de Publication de votre journal en ligne en mode écrit TOGODAILYNEWS

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